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Hommage à Mustapha Baqbou, figure emblématique de la musique gnawa
Culture
Un hommage est rendu à Mustapha Baqbou, musicien reconnu et membre important du groupe Jil Jilala. Le lundi 8 septembre, il a mis fin à sa carrière musicale après plus de cinquante ans de carrière, diffusant la transe gnawa aux quatre coins du monde.
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À mes yeux, Mustapha Bakbou était le plus grand artiste de sa génération en raison de sa façon unique et innovante de jouer du guembri avec un groove qui a influencé toute une nouvelle génération. En avance sur son temps dans la fusion musicale, il a apporté un nouvel esprit à la musique gnaoua. Ces propos viennent du batteur et directeur artistique du Festival Gnaoua et musiques du monde, Karim Ziad. Pour lui, Mustapha Bakbou, décédé le 8 septembre à Marrakech à l'âge de 72 ans, restera toujours celui qui a éclairé à Marcus Miller l'origine de son instrument, la basse, grâce à la puissance de son jeu.
Baqbou, né en 1953 dans une zaouïa de Marrakech, était l'héritier d'une longue lignée de musiciens gnaouis. Il a grandi dans un environnement imprégné de musique et de spiritualité, où il a été initié à la musique traditionnelle dès son plus jeune âge. Il a été inspiré par les forces mystiques de la tagnaouite, qui ont façonné sa voix, son style et sa vision du monde. Pour lui, le guembri est essentiel et la transe est une forme de communion avec l'au-delà.
Maâlem Hassan Boussou se souvient de sa connaissance depuis l’enfance. Il se rappelle qu'il venait de Marrakech pour rendre visite aux célèbres maîtres tels que son père Hmida Boussou, Mohammed Sam ou Abdelkader Oughessal. C'était quelqu'un de généreux et intègre, très passionné par leur art gnaoui qu'il défendait ardemment contre toute dégradation. Il était un personnage essentiel et imposant dans ce domaine.
Dans les années 70 au Maroc, la scène musicale est bouleversée par des groupes tels que Nass Al Ghiwane à Casablanca, connu pour ses mélodies brutales et ses paroles engagées. À Marrakech, Jil Jilala crée sa propre voie, mêlant mysticisme et poésie populaire. Baqbou se joint à Jil Jilala dans cette bataille esthétique, apportant son expertise du guembri et de la transe gnaouie. Le parcours du groupe est marqué par des rebondissements, des départs et des retours remarquables.
Grâce à son talent, Jilala réinterprète le malhoun, redécouvre les quasidas oubliées et les présente à une nouvelle génération en quête de nouvelles identités. Dans les années 70 et 80, ses performances électrisent le public. A l'Olympia en 1973, l'accueil chaleureux réservé à "Liyam tnadi" (un plaidoyer contre l'oppression) marque le début de sa légende…
Jil Jilala a dû affronter des moments difficiles dans son parcours. Malgré les départs de membres, les disputes internes et des albums qui ne rencontrent pas le succès, le groupe parvient toujours à se relever. Baqbou symbolise cette capacité à persévérer. Même lorsque le public se désintéresse, le groupe garde la flamme allumée.
Envoûtant et doué
Le musicien Baqbou défie les normes en créant des liens entre Marrakech et le reste du monde. Il a trouvé à Essaouira le lieu parfait pour exprimer son appartenance à ces deux mondes : à la fois gardien du temple et pionnier de nouveaux sons. Le Festival Gnaoua, lancé en 1998, a été pour lui un tremplin pour se faire connaître à l'échelle internationale. Chaque année, il y jouait avec passion, mêlant l'énergie d'un débutant à la sagesse d'un expert. Au fil des éditions, Baqbou a partagé la scène avec des artistes renommés comme Pat Metheny, Louis Bertignac, Sixun, Oumou Sangaré et Tinariwen. Cette fusion musicale est instantanée : guembri et basse, transe et guitare, mlouk et jazz se répondent harmonieusement.
Le public se souvient de la fusion en 2014 avec Marcus Miller : le moment où le guembri et la basse électrique dialoguaient, créant une atmosphère suspendue, révélatrice du lien entre le jazz et les racines africaines de la tagnaouite.
Neila Tazi, qui a fondé le Festival Gnaoua et Musiques du Monde, exprime sa tristesse face à la perte de Mustapha Baqbou, un maître incontournable dans le monde de la musique Gnaoua. Il était reconnu comme une figure emblématique, un précurseur et un pilier pour toute une génération. Sa voix et son jeu de guembri touchaient profondément le public, que ce soit lors de cérémonies intimes ou sur de grandes scènes à travers le monde. Son talent était admiré par des artistes de renommée internationale tels que Pat Metheny, Marcus Miller, Carlos Santana, Louis Bertignac, Tinariwen, Oumou Sangaré et bien d'autres.
Baqbou s'adapte à la modernité tout en restant fidèle à ses origines. Ses pairs, disciples et ceux avec qui il partageait des moments de transe le voient comme plus qu'un simple musicien : un guide, à la fois mystique et virtuose, enraciné et ouvert. Maâlem Hamid El Kasri témoigne que Bakbou était un véritable maître spirituel. Il a été une référence pour beaucoup, un frère et un repère, et sa disparition laisse un grand vide.
Il faudra maintenant occuper ce vide avec ses enregistrements, ses brèves apparitions et les rappels des états de transe qu'il engendrait.
Mustapha Baqbou a connu de nombreuses périodes fructueuses et brillantes tout au long de sa vie. Il serait impossible de toutes les énumérer: la mémoire flanche, la langue échoue devant leur grandeur. Nous pouvons parler des bonheurs qu'il a procurés, mais il est plus difficile d'imaginer ceux qu'il ne pourra plus offrir. La mort met fin brutalement, et les mots peinent à sortir. Ce qui reste, c'est une gratitude infinie, et cette dernière supplique lancée vers lui: "La mort est une flamme ardente / Emporte avec toi ce qui m'est cher".
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